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ÉLOGE.

particulière : Ce problème, résolu d’abord par Jean Bernoulli et par Euler, l’avait été depuis par M. Fontaine, qui avait employé une méthode nouvelle et vraiment originale ; sa solution, plus générale que les premières, contenait des principes de calcul d’une utilité plus étendue que celle du problème ; cependant M. Fontaine n’avait cherché, comme les géomètres qui l’avaient précédé, qu’à déterminer la courbe tautochrone dans quelques hypothèses de force accélératrice ; et la question de savoir s’il existe un tautochrone dans toutes les hypothèses, et de déterminer celles où elle existe, n’avait pas été encore examinée. D’Alembert reçut de M. de La Grange une formule qui contenait la solution de cette nouvelle question, plus curieuse et plus difficile ; il en chercha la démonstration, et non-seulement il la découvrit, mais il parvint à une formule plus générale encore, que M. de La Grange trouvait aussi en même temps : ces exemples sont fréquens dans l’histoire des mathématiques, et ils doivent l’être, puisque les objets sur lesquels l’étendue et la nature des méthodes permettent de s’exercer, sont également sous les yeux de tous ; que le progrès des sciences auxquelles on applique le calcul, offre également à tous, dans chaque époque, un certain nombre de questions à résoudre ; que la vérité est une, et qu’ils emploient à peu près les mêmes instrumens : cependant il est rare que les preuves de l’égalité soient aussi claires qu’elles l’ont été dans cette occasion ; d’ailleurs on n’y croit que dans le cas où chacun de ceux qui veulent partager la gloire d’une découverte, en ont fait d’autres qu’ils ne partagent avec personne.

D’Alembert a publié des Élémens de musique ; on s’étonnera peut-être que l’analyste profond, qui avait résolu le problème des cordes vibrantes, se soit borné à donner une exposition du système de Rameau, qu’il parvint à rendre intelligible ; mais il ne croyait pas que la théorie mathématique du corps sonore pût encore rendre raison des règles de la musique. Il a aimé pendant toute sa vie cet art qui se lie d’un côté aux recherches les plus subtiles et les plus savantes de la mécanique rationnelle, tandis que sa puissance sur nos sens et sur notre âme, offre aux philosophes des phénomènes non moins singuliers, et plus inexplicables encore.

On doit compter au nombre des services que d’Alembert a rendus aux mathématiques, et surtout à la philosophie, le soin qu’il a pris d’éclaircir une dispute célèbre sur la mesure des forces, dispute qui, pendant une partie de ce siècle, a partagé les géomètres ; et d’apprécier ces principes tirés de la métaphysique des causes finales qu’on voulait substituer aux principes directs de la mécanique, et employer à la découverte des lois de la nature : ces questions avaient égaré quelques bons esprits, et consumé en pure perte le temps toujours si précieux de plusieurs hommes de génie ; d’Alembert les discuta, et on n’en parla plus : les questions les plus profondes de la métaphysique ont eu souvent le même sort que ces tours d’adresse ou de combinaison, qui étonnent, qui excitent la curiosité tant qu’on en ignore le secret, mais qu’on méprise aussitôt qu’il a été deviné.

Nous n’avons pu donner ici qu’une esquisse très-abrégée des travaux immenses de d’Alembert sur les mathématiques ; travaux que ni les