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Vous entendrez toute l’année
Sur votre tête condamnée
Les cris lamentables des loups.

Cependant le Mort joyeux va se coucher

Dans une terre grasse et pleine d’escargots…
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde,

abandonnant sans regret sa carcasse

Aux vers, noirs compagnons sans oreille et sans yeux.

Ce ver du sépulcre ! Hugo, lui, ne craindra pas de lui consacrer des strophes intarissables. Baudelaire au contraire sera bref. Mais avec quelle âpreté les Fleurs du Mal diront ses ravages silencieux ! Le trait final du Remords posthume est plus éloquent que les plus longs poèmes :

Le tombeau, confident de mon rêve infini,
Te dira : Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ?
— Et le ver rongera ta peau comme un remords.

Non, malgré sa prodigieuse lucidité, malgré son sens plastique aigu, Baudelaire n’est pas un descriptif. Il est plus et mieux. Une invention limitée, un pittoresque qui se résume, mais, à l’instant choisi par lui, un trait qui perce comme un dard. C’est bien ainsi qu’il traite l’univers, les bêtes comme les hommes. Il emplit ses poèmes de bêtes souillées et maudites, mais sans entreprendre, comme Hugo, de les laver de leurs souillures, de les libérer des ma-