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atteindre, s’il éprouva les angoisses du vers, c’est comme Flaubert souffrit « les affres de la prose », et il n’y a là que l’exemple d’un artiste, scrupuleux jusqu’à l’angoisse, exigeant jusqu’à la torture.

Une note de ses papiers intimes consignait que « le rythme et la rime répondent dans l’homme aux immortels besoins de monotonie, de symétrie et de surprise ». Symétrie et surprise. La bonne rime, la vraie rime, la seule tolérable, doit obéir au doigt du poète comme la note d’un instrument bien accordé, forte ou faible, sonore ou étouffée, attendue et pourtant imprévue, surprenante mais non pas étonnante, écho parfait des plus intimes harmonies.

Pour se bien pénétrer de cette notion, il suffirait de faire l’épreuve inverse : dresser un tableau de mauvaises rimes (et que le choix serait aisé, — rien qu’en s’en tenant aux pseudo-romantiques contemporains) ! On verrait que ces rimes enfreignent toujours, par excès ou par manque, les quelques lois d’harmonie très simple que nous venons d’exposer.

Si la rime, en elle-même, semble aujourd’hui à quelques bons poètes une parure un peu grossière et un ornement superflu ; si la rime riche est tout à fait intolérable, c’est surtout à cause des excès où l’on s’est porté, chez nous, entre 1850 et 1890, du Romantisme au Symbo-