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qu’ « il y a un abîme entre la théorie de Gautier de l’art pour l’art et celle de Baudelaire… Gautier restreignait par trop le rôle du poète. Il restait prisonnier des apparences… Baudelaire est un visionnaire. » Autre différence : « La perfection de Gautier est celle d’un ciseleur. Celle que rêve Baudelaire est plus haute. Pour lui le vers est une formule d’incantation… »

Cette opinion-là, nous la partageons aussi et nous tenions à le marquer au commencement de cette étude où nous voulons étudier pourtant les rapports de Baudelaire et de Gautier. Oui, il y a entre ces deux poètes un abîme profond, si profond qu’on ne voit pas à première vue ce qu’il y a de commun entre ce chrétien déchiré et ce païen satisfait, entre ce « ciseleur » et ce « visionnaire », pour reprendre les termes de M. Ernest Raynaud. Mais cet abîme, il est entre les âmes, beaucoup plus qu’entre les talents plastiques, et si, sur ce point, Baudelaire s’est créé un instrument tout personnel, il n’est pas incompréhensible du tout qu’il ait nourri, à l’endroit de Gautier, une admiration sincère.

Mais qu’admirait-il en Gautier ? Le poète impeccable, me dira-t-on. Je n’en peux disconvenir. Ce mérite n’est-il pas encore celui par lequel l’auteur d’Émaux et Camées a pu se survivre ? Pourtant il y avait dans les Pre-