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PLAIDOYER CONTRE CONON.


point voulu le poursuivre en toute rigueur, on doit croire que je suis modéré, et que je n’aime pas à susciter des ail’aires ; mais en est —il moins criminel ? Cependant, si je fusse mort, on l’eût poursuivi comme meurtrier, on eût conclu contre lui aux plus rigoureuses peines. Le père de la prêtresse de Brauron [5], de l’aveu de tout le monde, n’avait pas même touché à un homme qu’on avait frappé, et qui était mort de ses blessures. Mais parce qu’il avait animé celui qui le frappait, le sénat de l’aréopage le condamna à l’exil, et avec justice. Car, si les personnes présentes, au lieu d’arrêter les hommes audacieux qui se portent à des violences, échauffés par le vin, par la colère, ou par quelqu’autre passion, les animent elles-mêmes, comment ceux qu’on attaque se sauveront-ils ? Ne faut-il pas qu’ils supportent les outrages jusqu’à ce qu’on soit las de les outrager ? sort que j’ai éprouvé moi-même.

Je vais vous faire part de leur procédé devant l’arbitre ; c’est un nouveau trait de leur audace. Ils firent prolonger la séance bien avant dans la nuit [6], en ne voulant ni faire lire les dépositions, ni en donner copie ; ils faisaient, pour la forme, avancer devant l’autel nos témoins, leur faisaient prêter serment, et faisaient écrire des dépositions étrangères à la cause ; que ce fils lui était né d’une courtisane, qu’il avait eu à souffrir telle et telle injure. Parmi tous ceux qui étaient présens,


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