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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

saient trouver leur avantage à se séparer de nous, voilà ce que j’appelle le bonheur de la république : avoir échoué dans quelqu’une de nos entreprises, et n’avoir pas toujours réussi selon nos désirs, c’est le sort de tous les hommes, et la part qui nous revenait dans le malheur commun. Pour ce qui est de la fortune attachée à nos personnes, à la mienne ou à celle de tout autre, il me semble qu’on doit en juger par ce qui nous est personnel. C’est ainsi, Athéniens, qu’il faut raisonner, et je crois que vous le pensez de même. Au lieu qu’Eschine prétend que la destinée d’un particulier commande à la destinée de la république, c’est-à-dire, une destinée faible et obscure à une haute et glorieuse destinée. Eh quoi ! cela se peut-il ? Si vous voulez absolument, Eschine, examiner ma fortune, mettez-la en parallèle avec la vôtre, et si vous trouvez la vôtre fort inférieure, ne décriez plus la mienne ; remontez donc à la source et comparez. Au nom de Jupiter et des autres dieux, qu’on ne m’accuse pas de folie. C’est manquer de sens, je l’avoue, que de reprocher à un autre sa pauvreté, et de se glorifier d’avoir été nourri dans l’abondance. Si, forcé par les invectives et les calomnies de ce méchant, je me jette dans de pareils détails, j’userai du moins dans mes discours de toute la modération dont je serai capable, et que le sujet pourra permettre.

Dès l’enfance j’eus l’avantage, Eschine, de fré-