Page:Déguignet - Mémoires d un paysan bas breton.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
642
LA REVUE DE PARIS

fait entrer dans la colonne et on forme les faisceaux. Alors je vis bien qu’il n’y aurait rien.

C’était une simple démonstration qui fut la dernière de cette glorieuse campagne, disaient les uns, de cette triste campagne, disaient les autres. Il est certain qu’elle n’avait pas atteint le résultat que les Italiens, confiants dans les promesses de Napoléon, en attendaient. Avant de quitter la France, il avait dit qu’il voulait l’Italie libre des Alpes à l’Adriatique. En entrant à Milan, il fit la même promesse, et il invita tous les Italiens à prendre les armes pour finir de chasser l’ennemi : « Volez, disait-il, sous les drapeaux de Victor-Emmanuel, qui vous a déjà montré la voie de l’honneur… Animés du feu sacré de la patrie, ne soyez aujourd’hui que soldats, demain vous serez citoyens libres d’un grand pays. » Et tous les Italiens accouraient combattre sous le drapeau de l’indépendance pour chasser de toute la péninsule les maudits Tedeschi. Hélas ! quelle ne fut pas leur déception, leur stupéfaction, en apprenant que Napoléon venait de s’arrêter tout à coup au milieu de sa marche triomphale, de traiter de la paix avec son confrère d’Autriche et de régler le sort des populations italiennes contre les promesses qu’il avait faites de ne pas s’occuper de leur organisation intérieure. Quel grido di dolore parcourut toute l’Italie lorsqu’on apprit que la Vénétie resterait sous le joug !


XVI

RENTRÉE AU PAYS


Quelques jours après, toutes les troupes quittèrent la Vénétie, les unes pour rentrer en France, les autres pour aller prendre garnison dans différentes villes de la Lombardie, où elles devaient rester encore un an pour attendre les arrangements définitifs. Notre brigade, 14e chasseurs, 18e de ligne et 26e, eut pour garnison Bergame : nous restâmes là jusqu’à la fin de mai 1860, à manger de la castagna et de la polenta. C’est en quittant cette ville que j’ai fait le plus grand trajet que j’aie jamais fait à pied, puisque, de Bergame, nous vînmes