Page:Déguignet - Mémoires d un paysan bas breton.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
639
MÉMOIRES D'UN PAYSAN BAS-BRETON

renfort. C’étaient des hommes qui venaient de France par la voie de Gênes et de Plaisance. Ces hommes étaient chez eux en congé renouvelable. Il y avait parmi eux beaucoup de caporaux et de sous-officiers dont les places étaient prises. On les plaça à la suite dans les compagnies, en attendant des places vacantes : cela ne fit pas plaisir aux caporaux qui s’attendaient à passer sergents. Nous restâmes deux jours à Parme ; nous apprîmes là le résultat de la grande bataille qui avait eu lieu le 24 à Solférino et San Martino : ç’avait été une nouvelle défaite pour les Autrichiens ; mais cette défaite avait coûté cher aux armées alliées.

Le 28, nous arrivâmes sur le bord du Pô, en face de Casalmaggiore, à sept lieues de Mantoue. Le général d’Autemarre, commandant la première division du 5e corps venu d’Afrique et qui nous attendait depuis longtemps sur le Pô, avait été prévenu, par dépêche du prince Napoléon, de nous préparer des ponts pour passer le fleuve. Les difficultés étaient grandes : le fleuve, à cet endroit, a plus de neuf cents mètres de largeur, les matériaux manquaient et l’ennemi était près. N’importe ; en guerre, il ne doit y avoir rien d’impossible ; avec des arbres, on construisit des têtes de ponts, puis on réquisitionna ou loua des bateaux aux riverains pour former une espèce de pont volant. Le 29 juin, nous étions sur la rive gauche du Pô, tout le corps d’armée réuni. Nous touchions alors aux armées alliées, dont nous formions l’aile droite, sur le bord de l’Oglio et à cheval sur la grande route de Crémone à Mantoue.

Le 24 juin, l’armée autrichienne était venue jusqu’à l’Oglio dans l’intention de prendre l’armée française en flanc et par derrière ; mais quand elle apprit que le 5e corps marchait vers elle, elle fit demi-tour sans avoir essayé de rien prendre sinon la fuite. La terreur que ce corps inspirait le dispensait de combattre. Le capitaine Lafouge, aide de camp du général Autemarrre, était allé un jour, avec un autre officier et quatre gendarmes parmesans, faire une reconnaissance à Bresello, place fortifiée sur la rive droite du Pô, en face de Mantoue, et occupée par une garnison autrichienne. Le capitaine ne voyant personne à l’entrée de la ville crut que les Autrichiens étaient partis ; il entre en ville suivi des quatre