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avoient fait trébucher ? Et je veux que cette révolution arrivât sans un plus grand bouleversement que celui dont saigne encore aujourd’hui la Hollande. Je soutiens que le Gouvernement populaire est le pire fléau, dont Dieu afflige un État, quand il le veut châtier. N’est-il pas contre l’ordre de la Nature, qu’un Batelier ou un Crocheteur soient en puissance de condamner à mort un Général d’Armée ; et que la vie d’un plus grand personnage soit à la discrétion des poumons du plus sot, qui à perte d’haleine demandera qu’il meure ? Mais grâce à Dieu nous sommes éloignés d’un tel chaos : On se cache déjà pour dire le Cardinal sans Monseigneur, et chacun commence à se persuader qu’il est malaisé de parler comme les marauds, et de ne le pas être. Aussi quand tout le Royaume se seroit ligué contre lui, j’étois certain de sa victoire, car il est fatal aux Jules de surmonter les Gaules (317). J’espère donc que nous verrons bientôt une réunion générale dans les esprits, et une harmonie parfaite entre les divers membres du corps de cet État. Comme M. de Beaufort (318) n’est animé que du Sang de France, il n’est pas croyable que ce Sang ne le retienne, quand il voudra rougir son fer dans le sein de sa Mère ; et de même que les ruisseaux, après s’être égarés quelque temps, reviennent enfin, se réunir à l’Océan, d’où ils s’étoient échappés, je ne doute pas que cet illustre Sang ne se rejoigne bientôt à sa source qui est le Roi. Pour les autres chefs de parti, je n’ai garde de si mal penser d’eux, que de croire qu’ils refusent de marcher sur les pas d’un exemple si héroïque. Il me semble que je les vois déjà s’incliner de respect devant l’image du Prince ; ils sont trop justes, faisant réflexion sur ce que les premiers de leurs races ont reçu de la faveur des Rois précédents, pour vouloir empêcher que le sort d’une autre Maison soit regardé à son tour d’un aspect aussi favorable.