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zèle aussi grand que juste, nous ne saurions douter, Madame, que votre Majesté n’ait pour nous quelque reconnoissance ou quelque pitié, et qu’elle ne nous conserve pour elle, quand même elle compteroit notre pauvreté et notre misère entre nos crimes. Nous ne saurions douter qu’une Reine si Chrétienne et si généreuse n’accorde quelque fin ou quelque trêve aux maux qui nous persécutent, qu’elle ne nous laisse reprendre haleine pour nous laisser reprendre de nouvelles forces, et qu’elle ne nous donne plutôt des matières de consolation et de joye, que de tristesse et de désespoir. Que pourroient donc être devenues cette affection de Reine et cette tendresse de Mère que vous nous avez toujours témoignées ? Que deviendroient ces hautes et ces merveilleuses impressions que nous avons dès longtemps conçues de votre bonté naturelle ? Et si Saint-Paul appelle morte la veuve qui ne cherche que les délices, comment pourrions-nous appeler celle qui n’aimeroit que la cruauté ? Puisque le conseil des impies doit nécessairement périr, comme nous l’apprenons d’un homme qui fut un grand Roi et un grand Prophète tout ensemble, il est croyable, Madame, que ceux qui tâchent de suborner votre piété par leurs conseils ne seront pas long-temps heureux, que leur adresse ne sera pas toujours triomphante, et que le remords ne sera pas le seul effet du mal qu’ils nous font souffrir. Ils s’étoient proposés d’affamer Paris par un blocus qui adonné de l’étonnement et de la frayeur à toute la France, cependant qu’ils manquoient eux-mêmes des choses les plus nécessaires ; mais le succès a trompé leurs espérances, pour ce que Dieu a confondu leur malice, de sorte que nous pouvons dire, avec l’un de ses Apôtres, qu’il a rempli de biens ceux qui avoient faim, qu’il a renvoyé les riches vides et qu’il nourrit jusques aux Corbeaux, qui ne