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Suis-je bien devenu rimeur ?
Où ma verve est-elle occupée ?
Et faut-il, dans cette rumeur,
Joindre ainsi la plume à l’épée ?

Page, vite, ôte-moi mon pot.
Il me servira d’écritoire ;
Mais pour bien barbouiller ce sot,
Non pas en style de Marot,
Mais en style bouffi de gloire.
Et pour le peindre en Astarot,
Cherche de l’encre la plus noire !

Sans savoir ni qui, ni comment,
Je sens en moi quelqu’un qui jase :
C’est une Muse assurément,
Qui pour Mazarin seulement,
Me monte aujourd’hui sur Pégase…
Mais, à ce nom, quel changement !
Ce cheval tremble pour un aze  (255).

Hé ! quoi, plus je le veux pousser,
Et plus il se jette en arrière ;
Je ne puis le faire avancer.
Descendons, il le faut laisser
Sans entrer dedans la carrière,
Et Mazarin, sans finesser  (256),
Lui pourroit sangler la croupière.

Laissons donc là tout cet atour.
J’entends déjà mon petit Page…
En as-tu ? Quel heureux retour !
Cette encre est noire comme un four…
Oh ! le favorable présage !
Ce mauvais démon de la Cour
En aura dessus le visage.

Ha ! ha ! je vous tiens, Mazarin,
Esprit malin de notre France,
Qui pour obséder son destin.
Faites le soir et le matin,