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parce que tu l’as rendu si paresseux qu’il ne veut plus faire aucunes fonctions sans le secours des sens. »

Je lui allois repartir, lorsqu’il me tira par le bras pour me montrer un vallon de merveilleuse beauté. « Apercevez-vous, me dit-il, cette enfonçure de terrain où nous allons descendre ? On diroit que le coupeau des collines qui la bornent, se soit exprès couronné d’arbres, pour inviter par la fraîcheur de son ombre les passans au repos.

« C’est au pied de l’un de ces coteaux que le Lac du Sommeil prend sa source ; il n’est formé que de la liqueur des cinq Fontaines. Au reste s’il ne se mêloit aux trois Fleuves, et par sa pesanteur n’engourdissoit leurs eaux, aucun animal de notre Monde ne dormiroit. »

Je ne puis exprimer l’impatience qui me pressoit de le questionner sur ces trois Fleuves, dont je n’avois point encore ouï parler : mais je restai content, quand il m’eut promis que je verrois tout.

Nous arrivâmes bientôt après dans le vallon, et quasi au même temps, sur le tapis qui borde ce grand Lac.

« En vérité, me dit Campanella, vous êtes bien heureux de voir avant de mourir toutes les merveilles de ce Monde ; c’est un bien pour les habitans de votre globe, d’avoir porté un Homme qui lui puisse apprendre les merveilles du Soleil, puisque sans vous ils étoient en danger de vivre dans une grossière ignorance, et de goûter cent douceurs sans savoir d’où elles viennent ; car on ne sauroit imaginer les libéralités que le Soleil fait à tous vos petits globes ; et ce vallon seul répand une infinité de biens par tout l’Univers, sans lesquels vous ne pourriez vivre, et ne pourriez pas seulement voir le jour. Il me semble que c’est assez d’avoir vu cette contrée, pour vous faire avouer que le Soleil est votre père, et qu’il est l’auteur de toutes choses. Pource que