Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les Oiseaux par-dessus tout haïssent de mort, je puis voyager partout sans courir de risque à cause qu’une âme de Philosophe est tissue de parties bien plus déliées que les instrumens dont on se serviroit à la tourmenter. Je me suis trouvé heureusement dans la province des, Arbres, quand les désordres de la Salemandre ont commencé ces grands éclats de tonnerre que vous devez avoir entendus aussi bien que moi, m’ont conduit à leur champ de bataille, où vous êtes venu un moment après. Au reste je m’en retourne à la province des Philosophes… — Quoi, lui dis-je, il y a donc aussi des Philosophes dans le Soleil ? — S’il y en a ! répliqua le bonhomme, oui, certes, et ce sont les principaux habitans du Soleil, et ceux-là mêmes dont la renommée de votre Monde a la bouche si pleine. Vous pourrez bientôt converser avec eux, pourvu que vous ayez le courage de me suivre, car j’espère mettre le pied dans leur Ville, avant qu’il soit trois jours. Je ne crois pas que vous puissiez concevoir de quelle façon ces grands génies se sont transportés ici ? — Non, certes, m’écriai-je ; car tant d’autres personnes auroient-elles eu jusqu’à présent les yeux bouchés, pour n’en pas trouver le chemin ? Ou bien est-ce qu’après la mort nous tombons entre les mains d’un Examinateur des esprits, lequel selon notre capacité nous accorde ou nous refuse le droit de bourgeoisie au Soleil ?

— Ce n’est rien de tout cela, repartit le Vieillard : les âmes viennent par un principe de ressemblance se joindre à cette masse de lumière, car ce Monde-ci n’est formé d’autre chose que des esprits de tout ce qui meurt dans les orbes d’autour, comme sont Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter et Saturne.

« Ainsi dès qu’une Plante, une Bête, ou un Homme, expirent, leurs âmes montent sans s’éteindre à sa sphère,