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maux qui en quelque façon se peuvent dire de leur espèce. Je vous ai tantôt dit que cette Mer en tirant vers le Pôle est toute pleine de Remores, qui jettent leur frai sur la vase comme les autres poissons. Vous saurez donc que cette semence extraite de toute leur masse en contient si éminemment toute la froideur, que si un navire est poussé par-dessus, le navire en contracte un ou plusieurs vers qui deviennent oiseaux, dont le sang privé de chaleur fait qu’on les range, quoiqu’ils aient des ailes, au nombre des poissons. Aussi le Souverain Pontife, lequel connoît leur origine, ne défend pas d’en manger en carême. C’est ce que vous appelez des Macreuses (229) »

Je cheminais toujours sans autre dessein que de le suivre, mais tellement ravi d’avoir trouvé un Homme, que je n’osois détourner les yeux de dessus lui, tant j’avois peur de le perdre : « Jeune mortel, me dit-il (car je vois bien que vous n’avez pas encore comme moi satisfait au tribut que nous devons, à la Nature), aussitôt que je vous ai vu, j’ai rencontré sur votre visage ce je ne sais quoi qui donne envie de connoître les gens. Si je ne me trompe aux circonstances de la conformation de votre corps, vous devez être François et natif de Paris ? Cette ville est le lieu, où après avoir promené mes disgrâces par toute l’Europe, je les ai terminées.

« Je me nomme Campanella (230), et suis Calabrois de nation. Depuis ma venue au Soleil, j’ai employé mon temps à visiter les climats de ce grand globe pour en découvrir les merveilles : il est divisé en Royaumes, en Républiques, États et Principautés, comme la Terre. Ainsi les quadrupèdes, les volatiles, les plantes, les pierres, chacun y a le sien ; et quoique quelques-uns de ceux-là n’en permettent point l’entrée aux animaux d’espèce étrangère, particulièrement aux Hommes que