Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le Bouleau ne parle pas comme l’Érable, ni le Hêtre comme le Cerisier. Si le sot peuple de votre Monde m’avoit entendu parler comme je fais, il croiroit que ce seroit un Diable enfermé sous mon écorce ; car bien loin de croire que nous puissions raisonner, il ne s’imagine pas même que nous ayons l’âme sensitive ; encore que, tous les jours, il voie qu’au premier coup dont le Bûcheron assaut un arbre, la cognée entre dans la chair quatre fois plus avant qu’au second ; et qu’il doive conjecturer qu’assurément le premier coup l’a surpris et frappé au dépourvu, puisque aussitôt qu’il a été averti par la douleur, il s’est ramassé en soi-même, a réuni ses forces pour combattre, et s’est comme pétrifié pour résister à la dureté des armes de son ennemi. Mais mon dessein n’est pas de faire comprendre la lumière aux aveugles ; un particulier m’est toute l’espèce, et toute l’espèce ne m’est qu’un particulier, quand le particulier n’est point infecté des erreurs de l’espèce ; c’est pourquoi soyez attentif, car je crois parler, en vous parlant, à tout le Genre humain.

« Vous saurez donc, en premier lieu, que presque tous les concerts, dont les Oiseaux font musique, sont composés à la louange des arbres ; mais, aussi, en récompense du soin qu’ils prennent de célébrer nos belles actions, nous nous donnons celui de cacher leurs amours ; car ne vous imaginez pas, quand vous avez tant de peine à découvrir un de leurs nids, que cela provienne de la prudence avec laquelle ils l’ont caché. C’est l’arbre qui lui-même a plié ses rameaux tout autour du nid pour garantir des cruautés de l’Homme la famille de son hôte. Et qu’ainsi ne soit, considérez l’aire de ceux, ou qui sont nés à la destruction des Oiseaux leurs concitoyens, comme des Éperviers, des Houbereaux (214), des Milans, des Faucons, etc. ; ou qui ne parlent que pour quereller,