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de la solitude, quand un bruit incertain de voix confuses qu’il me sembloit entendre voltiger autour de moi, me réveilla en sursaut.

Le terrain paroissoit fort uni, et n’étoit hérissé d’aucun buisson qui pût rompre la vue ; c’est pourquoi la mienne s’allongeoit fort avant par entre les arbres de la forêt. Cependant le murmure qui venoit à mon oreille, ne pouvoit partir que de fort proche de moi ; de sorte que m’y étant rendu encore plus attentif, j’entendis fort distinctement une suite de paroles grecques ; et parmi beaucoup de personnes qui s’entretenoient, j’en démêlai une qui s’exprimait ainsi :

« Monsieur le Médecin, un de mes alliés, l’Orme à trois têtes, me vient d’envoyer un Pinson, par lequel il me mande qu’il est malade d’une fièvre étique, et d’un grand mal de mousse, dont il est couvert depuis la tête jusqu’aux pieds. Je vous supplie, par l’amitié que vous me portez, de lui ordonner quelque chose. »

Je demeurai quelque temps sans rien ouïr ; mais, au bout d’un petit espace, il me semble qu’on répliqua ainsi : « Quand l’Orme à trois têtes ne seroit point votre allié, et quand, au lieu de vous qui êtes mon ami, le plus étrange de notre espèce me feroit cette prière, ma profession m’oblige de secourir tout le monde. Vous ferez donc dire à l’Orme à trois têtes, que pour la guérison de son mal, il a besoin de sucer le plus d’humide et le moins de sec qu’il pourra ; que, pour cet effet, il doit conduire les petits filets de ses racines vers l’endroit le plus moite de son lit, ne s’entretenir que de choses gaies, et se faire tous les jours donner la musique par quelques Rossignols excellens. Après, il vous fera savoir comment il se sera trouvé de ce régime de vivre ; et puis selon le progrès de son mal, quand nous aurons préparé ses humeurs, quelque Cigogne de mes amies lui donnera