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n’en avoit pas eu besoin, n’ayant point été aveugle, à cause qu’il n’avoit pas bien adressé du bec dans ses prunelles ; et pour la rivière et le bateau que je disois n’avoir été engendrés que d’une métamorphose de mon Peuple, ils étoient dans le bois dès la création du Monde, mais qu’on n’y avoit pas pris garde. Le voyant si fort ingénieux à se tromper, je convins avec lui que mes vassaux et moi nous nous métamorphoserions à sa vue en ce qu’il voudroit, à la charge qu’après cela il s’en retourneroit en sa Patrie. Tantôt il demanda que ce fût en arbre, tantôt il souhaita que ce fût en fleur, tantôt en fruit, tantôt en métal, tantôt en pierre. Enfin pour satisfaire tout à la fois à toute son envie, quand nous eûmes atteint ma Cour au lieu où je lui avois commandé de m’attendre, nous nous métamorphosâmes aux yeux du Rossignol en ce précieux arbre que tu as rencontré sur ton chemin, duquel nous venons d’abandonner la forme. Au reste maintenant que je vois ce petit Oiseau résolu de s’en retourner en son Pays, nous allons mes sujets et moi reprendre notre figure et la route de notre voyage. Mais il est raisonnable de te découvrir auparavant qui nous sommes : des animaux natifs et originaires du Soleil dans la partie éclairée, car il y a une différence bien remarquable entre les Peuples que produit la Région lumineuse et les Peuples du Pays opaque (190). C’est nous qu’au Monde de la Terre vous appelez des Esprits, et votre présomptueuse stupidité nous a donné ce nom, à cause que n’imaginant point d’animaux plus parfaits que l’homme, et voyant faire à de certaines créatures des choses au-dessus du pouvoir humain, vous avez cru ces animaux-là des Esprits. Vous vous trompez toutefois ; nous sommes des animaux comme vous ; car encore que quand il nous plaît nous donnions à notre matière, comme tu viens de voir, la figure et la forme essentielle