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tune, qui toujours s’opposoit au succès de mon entreprise avec tant d’opiniâtreté, que je ne m’étonne comment le cerveau ne me tourna point. Mais écoutez un miracle que les siècles futurs auront de la peine à croire.

Enfermé dans une boîte à jour que je venois de perdre de vue, et mon essor tellement appesanti, que je faisois beaucoup de ne pas tomber ; enfin dans un état où tout ce que renferme la machine entière du Monde, étoit impuissant à me secourir, je me trouvois réduit au période d’une extrême infortune. Toutefois comme alors que nous expirons, nous sommes intérieurement poussés à vouloir embrasser ceux qui nous ont donné l’être, j’élevai mes yeux au Soleil, notre père commun. Cette ardeur de ma volonté non seulement soutint mon corps, mais elle le lança vers la chose qu’il aspiroit d’embrasser. Mon corps poussa ma boîte, et de cette façon je continuai mon voyage. Sitôt que je m’en aperçus, je roidis avec plus d’attention que jamais toutes les facultés de mon âme, pour les attacher d’imagination à ce qui m’attiroit ; mais ma tête chargée de ma cabane, contre le chapiteau de laquelle les efforts de ma volonté me guindoient malgré moi, m’incommoda de telle sorte qu’à la fin cette pesanteur me contraignit de chercher à tâtons l’endroit de sa porte invisible. Par bonheur je la rencontrai, je l’ouvris, et me jetai dehors ; mais cette naturelle appréhension de choir qu’ont tous les animaux, quand ils se surprennent soutenus de rien, me fît pour m’accrocher brusquement étendre le bras. Je n’étois guidé que de la Nature qui ne sait pas raisonner ; et c’est pourquoi la Fortune son ennemie, poussa malicieusement ma main sur le chapiteau de cristal. Hélas ! quel coup de tonnerre fut à mes oreilles le son de l’icosaèdre que j’entendis se casser en morceaux ! Un tel désordre, un tel malheur, une telle épouvante, sont au delà de toute expression.