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celui de la terre de Bergerac, dont la vraie désignation était Sous-Forest. Le fief de Sous-Forest, comme celui de Mauvières, avait appartenu dans le milieu du xvie siècle à une famille de Bergerac fort ancienne par ses attaches et fort puissante par ses propriétés. L’adjonction n’était pas sans valeur, surtout en se réservant, suivant les circonstances, de varier la monotonie de son prénom et du « de » qui l’accompagnait : Alexandre de Cyrano Bergerac, de Bergerac tout court, de Bergerac Cyrano, de Cyrano Bergerac, Savinien de Cyrano en harmonie d’ailleurs avec la tête du personnage :

Ses yeux se perdaient sous ses sourcils, et son nez large par la tige et recourbé, copiait, dit Dassouçy, celui de ces babillards jaunes et verts qu’on apporte de l’Amérique (5).

Cette perfection — ou cette disgrâce de la nature, suivant les goûts — avait développé chez lui une susceptibilité maladive servie par un merveilleux courage. En face d’un père aigri et mécontent, Cyrano oublia promptement le chemin de la maison paternelle. Bientôt on le compta au nombre des goinfres et des bons buveurs des meilleurs cabarets, il se livra avec eux à des plaisanteries d’un goût douteux, suites ordinaires de libations prolongées outre mesure. En parlant comme Tallemant, disons qu’il fit « un peu le fou et qu’il brûla plus d’un auvent de savetier». Il contracta aussi la déplorable habitude du jeu. Ce genre d’existence ne pouvait indéfiniment continuer, d’autant qu’Abel I de Cyrano devenait tout à fait sourd aux demandes de fonds réitérées de son fils. L’impécuniosité décida notre jeune débauché à s’engager avec son ami Le Bret, en qualité de cadet et de volontaire, dans la compagnie des gardes commandée par M. de Carbon de Casteljaloux. Cyrano élargissait ainsi son champ d’action.