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bien pouvait mourir sur l’échafaud sans être plaint ni regretté de personne.

Le parti des Girondins, qui étaient les doctrinaires de cette époque, aurait défendu mon père : il était anéanti, ou du moins il avait disparu depuis le triomphe de Robespierre.

Ma mère se trouvait donc plus isolée que la plupart des autres victimes des Jacobins. Ayant adopté par dévouement les opinions de son mari, elle s’était décidée à abandonner la société dans laquelle elle avait passé sa vie ; et elle n’en avait pas retrouvé une autre : ce qui restait du monde d’autrefois, de ce monde qu’on a depuis appelé le faubourg Saint-Germain, n’était pas désarmé par nos malheurs ; et peu s’en fallait que les aristocrates purs ne sortissent de leurs cachettes pour faire chorus avec les Marseillais, quand on criait dans les carrefours la condamnation du traître Custine.

Le parti des réformateurs prudents, celui des hommes du pays, des hommes dont l’amour pour la France est indépendant de la forme du gouvernement adopté par les Français, ce parti qui fait aujourd’hui une nation, n’était pas encore représenté chez nous. Mon père venait de mourir martyr des espérances de cette nation qui n’était pas née, et ma mère, à vingt-deux ans, subissait les fatales conséquences de la vertu de son mari, vertu trop sublime pour être ap-