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vant mes yeux, c’était une véritable composition de Breughel de Velours. Les teintes de ce tableau ne peuvent se rendre par des paroles ; l’église de Saint Nicolas avec ses pavillons pour clochers, se détachait en bleu de lapis sur un ciel blanc ; les restes d’une illumination éteinte par l’aurore brillaient encore sous le portique de la Bourse, monument grec, qui termine avec une pompe théâtrale une des îles de la Néva, dans l’endroit où le fleuve se partage en deux bras principaux ; les colonnes éclairées du monument, dont le mauvais style disparaissait à cette heure et à cette distance, se répétaient dans l’eau du fleuve blanc où elles dessinaient un fronton et un péristyle d’or renversés ; tout le reste de la ville était d’un bleu cru comme le lointain des paysages des vieux peintres ; ce tableau fantastique, peint sur un fond d’outremer, encadré par une fenêtre dorée, contrastait d’une manière tout à fait surnaturelle avec la lumière des lustres et la pompe de l’intérieur du palais. On eût dit que la ville, le ciel, la mer, que la nature entière voulaient concourir aux splendeurs de cette cour et solenniser la fête donnée à sa fille par le souverain de ces immenses régions. L’aspect du ciel avait quelque chose de si étonnant qu’avec un peu d’imagination on aurait pu croire que des déserts de la Laponie à la Crimée, du Caucase et de la Vistule au Kamtschatka, le roi du ciel répondait par quelque