Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/411

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voilà ce qu’on ne peut pas reconnaître chez nous, où l’on s’expose à tout détruire en voulant tout garder. Chaque gouvernement a des nécessités qu’il doit accepter et respecter sous peine d’anéantissement.

Nous voulons être commerçants comme les Anglais, libres comme les Américains, inconséquents comme les Polonais du temps de leurs diètes, conquérants comme les Russes : ce qui équivaut à n’être rien. Le bon sens d’une nation consiste à pressentir d’abord, puis à choisir son but selon son génie, et à ne reculer devant aucun des sacrifices nécessaires pour atteindre ce but indiqué par la nature et par l’histoire. C’est là ce qui fait la force de l’Angleterre.

La France manque de bon sens dans les idées, et de modération dans les désirs,

Elle est généreuse, elle est même résignée : mais elle ne sait pas employer et diriger ses forces. Elle va au hasard. Un pays où, depuis Fénelon, on n’a fait que parler politique, n’est encore aujourd’hui ni gouverné ni administré. On ne rencontre que des hommes qui voient le mal et qui le déplorent : quant au remède, chacun le cherche dans ses passions, et par conséquent personne ne le trouve : car les passions ne persuadent que ceux qui les ont.

Pourtant c’est encore à Paris qu’on mène la plus douce vie : on s’y amuse de tout en frondant tout ; à Pétersbourg on s’ennuie de tout en louant tout : au