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gens destinés à danser cela toute leur vie, le bal doit devenir un supplice.

La polonaise de Pétersbourg m’a reporté au congrès de Vienne, où je l’avais dansée en 1814 à la grande redoute. Nulle étiquette n’était observée alors dans ces fêtes européennes ; chacun marchait au hasard au milieu de tous les souverains de la terre. Mon sort m’avait placé entre l’Empereur de Russie (Alexandre) et sa femme, qui était une princesse de Bade. Je suivais la marche du cortége, assez gêné de me sentir placé malgré moi auprès de personnages si augustes. Tout à coup la file des couples dansants s’arrête, sans qu’on sache pourquoi ; la musique continuait. L’Empereur, impatienté, passe la tête par dessus mon épaule, et s’adressant à l’Impératrice, lui dit du ton le plus brusque : « Avancez donc ! » L’Impératrice se retourne, et apercevant derrière moi l’Empereur qui dansait avec une femme pour laquelle il affichait depuis quelques jours une grande passion, elle répondit avec une expression indéfinissable : « Toujours poli ! » L’autocrate voyageur se mordit les lèvres en me regardant. Le cortége recommença de marcher et la danse continua.

J’ai été ébloui de l’éclat de la grande galerie, elle est aujourd’hui entièrement dorée ; elle n’était que peinte en blanc ayant l’incendie Ce désastre a servi le goût qu’a l’Empereur pour les magnificences….