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font de ce prince un éloge tout contraire, les qualités et les défauts des deux frères étaient opposés ; ils n’avaient nulle ressemblance et ils n’éprouvaient nulle sympathie l’un pour l’autre. En ce pays la mémoire de l’Empereur défunt n’est guère honorée ; mais cette fois l’inclination s’accorde avec la politique pour faire oublier le règne précédent. Pierre le Grand est plus près de Nicolas qu’Alexandre, et il est plus à la mode aujourd’hui. Si les ancêtres des Empereurs sont flattés, leurs prédécesseurs immédiats sont calomniés.

L’Empereur actuel n’oublie la majesté suprême que dans ses rapports de famille. C’est là qu’il se souvient que l’homme primitif a des plaisirs indépendants de ses devoirs d’état ; du moins j’espère pour lui que c’est ce sentiment désintéressé qui l’attache à son intérieur ; ses vertus domestiques l’aident sans doute à gouverner en lui assurant l’estime du monde, mais il les pratiquerait, je le crois, sans calcul.

Chez les Russes le pouvoir souverain est respecté comme une religion dont l’autorité reste indépendante du mérite personnel de ses prêtres ; les vertus du prince étant superflues, elles sont donc sincères.

Si je vivais à Pétersbourg je deviendrais courtisan, non par amour du pouvoir, non par avidité, ni par puérile vanité, mais dans le désir de découvrir quelque chemin pour arriver au cœur de cet homme uni-