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des souverains de la Russie, ce n’est pas l’amour de l’art, c’est l’amour-propre de l’homme.

Entre autres fanfaronnades, j’entends dire à beaucoup de Russes que leur climat s’adoucit. Dieu serait-il complice de l’ambition de ce peuple avide ? Voudrait-il lui livrer jusqu’au ciel, jusqu’à l’air du Midi ? Verrons-nous Athènes en Laponie, Rome à Moscou, et les richesses de la Tamise dans le golfe de Finlande ? L’histoire des peuples se réduit-elle à une question de latitude et de longitude ? Le monde assistera-t-il toujours aux mêmes scènes jouées sur d’autres théâtres ?

Cette prétention, toute risible qu’elle vous paraît. vous prouve jusqu’où peut aller l’ambition des Russes.

Tandis que ma voiture, au sortir du palais, traversait rapidement le carré long formé par l’immense place que je viens de vous décrire, un vent violent soulevait des flots de poussière ; je n’apercevais plus qu’à travers un voile mouvant les équipages qui sillonnaient rapidement dans tous les sens le rude pavé de la ville. La poussière de l’été est un des fléaux de Pétersbourg ; c’est au point qu’elle me fait désirer la neige de l’hiver. Je n’ai eu que le temps de rentrer chez moi avant que l’orage éclatât ; il vient d’épouvanter par des pronostics plus ou moins significatifs tous les superstitieux de la ville ; les ténèbres en plein