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Les Russes font toutes sortes de choses ; mais on dirait qu’avant même de les avoir terminées, ils se disent : quand abandonnerons-nous tout cela ? Pétersbourg est comme l’échafaudage d’un édifice ; l’échafaudage tombera dès que le monument sera parfait. Ce chef-d’œuvre, non d’architecture, mais de politique, ce sera la nouvelle Byzance, qui, dans la secrète et profonde pensée des Russes, est la future capitale de la Russie et du monde.

En face du palais, une immense arcade perce le demi-cercle de bâtiments imités de l’antique ; elle sert d’issue à la place et conduit à la rue Morskoï ; au-dessus de cette voûte énorme s’élève pompeusement un char à six chevaux de front, en bronze, conduits par je ne sais quelle figure allégorique ou historique. Je ne crois pas qu’on puisse voir ailleurs rien d’aussi mauvais goût que cette colossale porte cochère ouverte sous une maison, et toute flanquée d’habitations dont le voisinage bourgeois ne l’empêche pas d’être traitée d’arc de triomphe, grâce aux prétentions monumentales des architectes russes. J’irai bien à regret regarder de près ces chevaux dorés, et la statue et le char ; mais fussent-ils d’un beau travail, ce dont je doute, ils sont si mal placés que je ne les admirerai pas. Dans les monuments, c’est d’abord l’harmonie de l’ensemble qui engage le curieux à examiner les détails ; sans la beauté de la con-