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la libre communication avec l’Occident de l’Europe. N’écoutez pas les forfanteries des Russes ; ils prennent le faste pour l’élégance, le luxe pour la politesse, la police et la peur pour les fondements de la société. À leur sens, être discipliné c’est être civilisé ; ils oublient qu’il y a des sauvages de mœurs très-douces et des soldats fort cruels ; malgré toutes leurs prétentions aux bonnes manières, malgré leur instruction superficielle et leur profonde corruption précoce, malgré leur facilité à deviner et à comprendre le positif de la vie, les Russes ne sont pas encore civilisés. Ce sont des Tartares enrégimentés : rien de plus.

En fait de civilisation, ils se sont jusqu’à présent contentés de l’apparence ; mais si jamais ils peuvent se venger de leur infériorité réelle, ils nous feront cruellement expier nos avantages.

Ce matin, après m’être habillé à la hâte pour me rendre à la chapelle Impériale, seul dans ma voiture, je suivais celle de l’ambassadeur de France à travers les places et les rues qui conduisent au palais, et j’examinais avec curiosité tout ce qui se trouvait sur mon passage. J’ai remarqué aux abords du palais des troupes qui ne me parurent pas assez magnifiques pour leur réputation ; cependant les chevaux sont superbes : la place immense qui sépare la demeure du souverain du reste de la ville était traversée en sens divers par les voitures de la cour, par des hommes en