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disent nos marchands, et si l’effet n’en était gâté le plus souvent par une taille déformée et par une malpropreté repoussante ; la coiffure nationale des femmes russes est belle, mais elle devient rare ; on ne la voit plus, m’a-t-on dit, que sur la tête des nourrices et sur celle des femmes de la cour aux jours de cérémonie ; c’est une espèce de tour de carton, dorée, brodée et très-évasée du haut.

Les attelages sont pittoresques ; les chevaux ont de la vitesse, du nerf et du sang, mais les équipages que j’ai vus réunis ce soir aux îles, sans en excepter les voitures des plus grands seigneurs, sont dépourvus d’élégance, ils manquent même de propreté. Ceci m’explique le désordre, la négligence des domestiques du grand-duc héritier, la pesanteur, le vilain vernis de ses carrosses que j’ai vus lors du passage de ce prince à Ems. La magnificence en gros, le luxe voyant, la dorure, l’air de grandeur, sont naturels aux seigneurs russes : l’élégance, le soin, la propreté ne le sont pas. Autre chose est d’aimer à étonner les passants par l’opulence, autre chose de jouir de la richesse, même en secret, comme d’un moyen de se cacher à soi-même le plus qu’on peut les tristes conditions de l’existence humaine.

On m’a conté ce soir plusieurs traits curieux relatifs à ce que nous appelons l’esclavage des paysans russes.