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sous cette température hostile, les précautions du despotisme viennent encore accroître les difficultés de l’existence, tout bonheur sera refusé à l’homme, tout repos lui deviendra impossible. Paix, félicité : ce sont ici des mots aussi vagues que celui de paradis. Paresse sans loisir, inertie inquiète : voilà le résultat inévitable de l’autocratie boréale.

Les Russes jouissent peu de cette campagne qu’ils ont créée à leur porte. Les femmes vivent l’été aux îles comme l’hiver à Pétersbourg : se levant tard, faisant leur toilette le jour, des visites le soir, et jouant toute la nuit : s’oublier, s’étourdir : tel est le but apparent de toutes les existences. On naît blasé, on meurt ennuyé et l’on vit dans une appréhension continuelle et continuellement dissimulée. Ceci ne peut s’appliquer qu’aux grands.

Le printemps des îles commence au milieu de juin et dure jusqu’à la fin d’août ; dans ces deux mois, excepté cette année, on a huit jours de chaleur répartis sur tout l’été ; les soirées sont humides, les nuits transparentes, mais nébuleuses, les jours gris ; et la vie deviendrait d’une tristesse insupportable pour quiconque se laisserait induire à la réflexion. En Russie, converser c’est conspirer, penser c’est se révolter : hélas ! la pensée n’est pas seulement un crime, c’est un malheur.

L’homme ne pense que pour améliorer son sort et