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Une lointaine forêt de pins élève par intervalles ses maigres et tristes aiguilles au-dessus des toits de quelques villas bâties en planches et peintes en pierre. Ces souvenirs de la solitude percent à travers la parure éphémère des jardins, comme pour témoigner de la rigueur de l’hiver et du voisinage de la Finlande.

Le but de la civilisation du Nord est sérieux. Sous ces climats la société est le fruit, non des plaisirs de l’homme, non d’intérêts et de passions faciles à con tenter, mais d’une volonté persistante et toujours contrariée qui pousse les peuples à d’incompréhensibles efforts. Là si les individus s’unissent, c’est pour lutter contre une nature rebelle et qui répond toujours avec peine aux appels qu’on lui fait. Cette tristesse, cette âpreté du monde physique engendre un ennui qui me fait comprendre les tragédies politiques si fréquentes dans cette cour. Là le drame se passe dans le monde positif, tandis que le théâtre reste livré au vaudeville qui ne fait peur à personne ; en fait de spectacle, ce qu’on préfère ici, c’est le Gymnase, en fait de lecture, Paul de Kock. Les divertissements futiles sont les seuls permis en Russie. Sous un tel ordre de choses, la vie réelle est trop sérieuse pour admettre une littérature grave. La farce, l’idylle ou l’apologue, bien voilé, peuvent seuls subsister en présence d’une si terrible réalité. Que si,