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bouleau est transparente, mais sous le soleil du Nord on ne cherche pas une feuillée bien épaisse. Un canal succède à un lac, une prairie à un bosquet, une cabane à une villa, une allée à une allée au bout de laquelle vous retrouvez des sites tout pareils à ceux que vous venez de laisser derrière vous. Ces tableaux rêveurs captivent l’imagination sans l’intéresser vivement, sans piquer la curiosité : c’est du repos ; et le repos est chose précieuse à la cour de Russie. Toutefois il n’y est pas estimé ce qu’il vaut.

Pendant quelques mois un théâtre égaye tant qu’il peut ce quartier d’été des grands seigneurs russes. Aux alentours de la salle de spectacle, des rivières artificielles, des canaux ombragés forment des allées d’eau, même cette eau s’étend quelquefois en petits. lacs qui nourrissent l’herbe de leurs rives… l’herbe !… merveilleuse création de l’art sous un sol qui, de soi, ne produit que de la bruyère et des lichens ; on se promène entre une infinité d’habitations obstruées de fleurs et cachées parmi les arbres comme les fabrıques d’un parc anglais ; mais, malgré ces prodiges, la pâle et monotone verdure du Nord attriste toujours l’aspect de cette ville jardin ! Là le luxe le plus dispendieux ne peut s’appeler du superflu, car il y faut épuiser toutes les ressources de l’art, et dépenser des trésors pour produire ce qui vient de soi-même ailleurs, ce qu’on regarde comme des choses de pure nécessité.