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repassé devant le pont de la Néva qui conduit aux îles, et je suis entré dans la forteresse.

On ne m’a pas laissé voir les prisons : il y a des cachots sous l’eau ; il y en a sous les toits ; tous sont pleins d’hommes. On ne m’a mené qu’à l’église où sont renfermés les tombeaux de la famille régnante. J’étais devant ces tombeaux et je les cherchais encore, ne pouvant me figurer qu’une pierre carrée, sans ornement, de la longueur et de la largeur d’un lit, recouverte d’une courte-pointe en drap vert, brodée aux armes Impériales, servît de sépulture à l’Impératrice Catherine Ire, à Pierre Ier, à Catherine II, et à tant d’autres princes, jusqu’à l’Empereur Alexandre.

La religion grecqne bannit la sculpture des églises ; elles y perdent en pompe et en religieuse magnificence plus qu’elles n’y gagnent en mysticité, d’autant que la foi byzantine s’accommode des dorures, des ciselures et de certaines peintures d’un goût très-peu sévère. Les Grecs sont les enfants des iconoclastes ; puisqu’en Russie ils ont cru pouvoir mitiger la doctrine de leurs pères, ils auraient dû aller plus loin.

Dans cette citadelle funèbre les morts me paraissaient plus libres que les vivants. Tant que je restai dans son enceinte, il me sembla que je ne respirais qu’avec peine. Si c’était une idée philosophique qui eût fait enfermer dans le même tombeau les prison-