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les pleurs versés là, sous la tombe des souverains de la Russie, on croit assister aux funérailles de quelque roi de l’Asie. Même un tombeau arrosé de sang me semblerait moins impie ; les larmes coulent plus longtemps et plus douloureusement peut-être.

Tandis que l’Empereur ouvrier habitait la cabane, on bâtissait sous ses yeux sa future capitale. Il faut dire à sa louange qu’alors le palais lui importait moins que la ville. Une des chambres de cette illustre chaumière, celle qui servait d’atelier au Czar charpentier, est aujourd’hui transformée en chapelle ; on y entre avec autant de recueillement que dans les églises les plus révérées de l’Empire. Les Russes font volontiers des saints de leurs héros. Ils se plaisent à confondre les terribles vertus de leurs maîtres avec la bienfaisante puissance de leurs patrons, et s’efforcent de mettre les cruautés de l’histoire à l’abri de la foi.

Un autre héros russe, fort peu admirable à mon avis, a été sanctifié par les prêtres grecs : c’est Alexandre Newski, modèle de prudence, mais qui ne fut martyr ni de la bonne foi, ni de la générosité. L’Église nationale canonisa ce prince plus sage qu’héroïque. C’est l’Ulysse des saints. On a bâti autour de ses reliques un couvent d’une grandeur prodigieuse.

Le tombeau, renfermé dans l’église de ce Saint--