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tées sur les cailloux inégaux des rues de Pétersbourg ; à la vérité, dans certains quartiers, les pavés, toujours irréguliers, sont corrigés des deux côtés de la rue par des voies en blocs de bois de sapin incrustés. On les trouve dans les plus larges rues de la ville ; les chevaux courent là-dessus avec une grande vitesse, surtout par les temps sécs, car la pluie rend le bois glissant. Ces mosaïques du Nord forment un encaissement dispendieux à cause des réparations continuelles qu’il exige ; mais elles valent mieux que le pavé des villes russes.

Les mouvements des hommes que je rencontrais me paraissaient roides et gênés ; chaque geste exprime une volonté qui n’est point celle de l’homme qui le fait ; tous ceux que je voyais passer portaient des ordres. Le matin est l’heure des commissions. Pas un individu ne paraissait marcher pour lui-même, et la vue de cette contrainte m’inspirait une tristesse involontaire. J’apercevais peu de femmes dans les rues, qui n’étaient égayées par aucun joli visage, par aucune voix de jeune fille ; tout était morne, régulier comme à la caserne, comme au camp ; c’était la guerre, moins l’enthousiasme, moins la vie. La discipline militaire domine la Russie. L’aspect de ce pays me fait regretter l’Espagne comme si j’étais né Andalous ; ce n’est pourtant pas la chaleur qui manque ici, car on y étouffe ; c’est la lumière et la joie.