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ses ambassadeurs, même il enlève à ces derniers tout ce qu’ils rapportent de précieux des pays étrangers[1]. C’est ainsi que le prince Yaroslowsky, à son retour d’Espagne, fut obligé de déposer au trésor toutes les chaînes d’or, les colliers, étoffes précieuses et vases d’argent que l’Empereur et l’Archiduc Ferdinand d’Autriche lui avaient donnés. Cependant ces hommes ne se plaignent point, ils disent : le grand Prince prend, le grand Prince rendra. »

Voilà comme on parlait du Czar en Russie au xvie siècle.

Aujourd’hui vous entendrez, soit à Paris, soit en Russie, nombre de Russes s’extasier sur les prodigieux effets de la parole de l’Empereur ; et, tout en s’enorgueillissant des résultats, pas un ne s’apitoiera sur les moyens. La parole du Czar est créatrice, disent-ils. Oui : elle anime les pierres, mais c’est en tuant les hommes. Malgré cette petite restriction, tous les Russes sont fiers de pouvoir nous dire : « Vous le voyez, chez vous on délibère trois ans sur les moyens de rebâtir une salle de spectacle, tandis que notre Empereur relève en un an le plus grand palais de l’univers ; » et ce puéril triomphe ne leur paraît pas payé trop cher par la mort de quelques chétifs milliers d’ouvriers sacrifiés à cette souveraine

  1. Dickens, dans son voyage aux États Unis, dit que la même chose a lieu aujourd’hui en Amérique.