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On m’a expliqué que, pendant la saison des exercices nautiques, les plus jeunes élèves restent à faire leurs évolutions aux environs de Kronstadt, tandis que les habiles poussent leurs voyages de découvertes jusqu’à Riga, quelquefois même jusqu’à Copenhague. Que dis-je ? deux vaisseaux russes dont, sans doute, la manœuvre est dirigée par des étrangers, ont déjà fait, ou se disposent à faire le tour du monde !

Malgré l’orgueil courtisan avec lequel les Russes me vantaient les prodiges de la volonté du maître qui veut avoir et qui a une marine impériale, dès que je sus que les vaisseaux que je voyais étaient là pour l’instruction des élèves, un secret ennui éteignit ma curiosité. Je me crus à l’école, et la vue de ce golfe uniquement animé par l’étude ne m’a plus causé qu’une inexprimable impression de tristesse.

Ce mouvement qui n’a pas sa nécessité dans les faits, qui n’est ni le résultat de la guerre, ni le résultat du commerce, m’a semblé une parade. Or, Dieu sait et les Russes savent si la parade est un plaisir !… Le goût des revues est poussé en Russie jusqu’à la manie : et voilà qu’avant d’entrer dans cet empire des évolutions militaires, il faut que j’assiste à une revue sur l’eau !… Je n’en veux pas rire : la puérilité en grand me paraît une chose épouvantable ; c’est une monstruosité qui n’est possible que sous la tyrannie, dont elle est la révélation la plus terrible peut--