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La princesse L***, dont la santé est délicate, éclate en sanglots ; elle tombe en faiblesse, on l’entend murmurer, à demi évanouie, ces mots interrompus par des pleurs : « Mourir si loin de mon mari ! » — Pourquoi le mien est-il ici, » s’écrie la jeune prin cesse D***, en se serrant contre le bras du prince, avec un calme qu’on n’aurait pas attendu d’elle, à voir sa figure et sa tournure délicates. C’est une femme frêle, élégante, aux yeux bleus et tendres, à la voix sonore, mais faible, à la taille élevée et svelte. Cette ombre ossianique était devenue en présence du danger, une héroïne prête à tout souffrir, à tout affronter.

Le gros et aimable prince K*** n’a changé ni de visage, ni de place ; il serait tombé de son fauteuil de sangle dans la mer sans se déranger. L’ex-lancier français, devenu négociant et resté comédien, faisant le beau en dépit des ans, le gai malgré le péril, se mit à fredonner un air de vaudeville. Cette bravade m’a déplu, et fait rougir pour la France, où la vanité cherche, à propos de tout, des moyens d’effet ; la vraie dignité morale n’exagère rien, pas même l’insouciance du danger ; les Américains ont continué leur lecture ; j’observais tout le monde.

Enfin le capitaine est venu nous dire que l’écrou principal d’un des pistons de la machine était cassé ; qu’on allait le remplacer et que dans un quart d’heure nous marcherions comme auparavant.