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Paris depuis vingt ans. Avant d’être négociant il a été lancier, et il a conservé de son premier métier des attitudes de beau de garnison assez plaisantes. Il ne parle aux Russes que de la supériorité des Français en tous genres, mais son amour-propre est trop en dehors pour devenir offensant : on en rit, c’est tout ce qu’on lui doit

Il nous chante le vaudeville en lançant aux femmes des œillades galantes, il déclame la Parisienne et la Marseillaise en se drapant d’un air théâtral dans son manteau : son répertoire, quelque peu grivois, amuse beaucoup nos étrangères. Elles croient faire un voyage à Paris ; le mauvais ton français ne les frappe nullement, parce qu’elles n’en connaissent ni la source ni la portée ; ce langage dont la vraie signification leur échappe, ne peut les effaroucher ; d’ailleurs les personnes vraiment de bonne compagnie sont toujours les plus difficiles à blesser : le soin de leur réhabilitation ne les oblige pas de se gendarmer à tout propos.

Le vieux prince K*** et moi, nous rions sous cape de tout ce qu’on leur fait écouter ; elles rient de leur côté avec l’innocence de personnes tout à fait ignorantes, et qui ne peuvent savoir où finit le bon goût, où commence le mauvais en France dans la conversation légère.

Le mauvais ton commence dès qu’on pense à l’évi-