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prentissage de la tyrannie. Les grands princes[1], forcés de pressurer leurs peuples au profit des Tatars, traînés souvent eux-mêmes en esclavage jusqu’au fond de l’Asie, mandés à la horde pour un caprice, ne régnant qu’à condition qu’ils serviraient d’instruments dociles à l’oppression, détrônés aussitôt qu’ils cessaient d’obéir, instruits au despotisme par la servitude, ont familiarisé leurs peuples avec les violences de la conquête qu’ils subissaient personnellement[2] : voilà comment, par la suite des temps, les princes et la nation se sont mutuellement pervertis.

« Or, notez la différence, ceci se passait en Russie à l’époque où les rois de l’Occident et leurs grands vassaux luttaient de générosité pour affranchir les populations.

« Les Polonais se trouvent aujourd’hui vis-à-vis des Russes absolument dans la position où étaient ceux-ci vis-à-vis des Mongols sous les successeurs de Bati. Le joug qu’on a porté n’engage pas toujours à rendre moins pesant celui qu’on impose. Les princes et les peuples se vengent quelquefois comme de sim-

  1. C’est le titre que les Russes ont donné pendant longtemps aux grands-ducs de Moscou.
  2. L’engourdissement prolongé des Slaves est la conséquence de ces siècles d’esclavage, espèce de torture politique qui démoralise ensemble et les uns par les autres, les peuples et les rois.