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tiré mon attention. Je vis un homme jeune encore, au teint plombé, à l’œil souffrant, mais au front bombé, à la taille élevée, noble ; sa figure régulière était en accord avec la froideur de son maintien, et cette harmonie ne manquait pas d’agrément.

Le prince K***, qui ne laisse jamais tomber la conversation, et qui se plaît à traiter à fond les sujets qui l’intéressent, reprit après un instant de silence :

« Pour vous prouver que les Anglais et nous, nous n’avons point du tout la même manière de définir la noblesse, je veux vous conter une petite anecdote qui vous paraîtra peut-être plaisante.

« En 1814 j’accompagnais l’Empereur Alexandre dans son voyage à Londres. À cette époque Sa Majesté m’honorait d’une assez grande confiance, et je dus à ma faveur apparente beaucoup de marques de bonté de la part du prince de Galles[1]. Ce prince me prit un jour à part, et me dit : « Je voudrais faire quelque chose qui fût agréable à l’Empereur ; il paraît aimer beaucoup le médecin qui l’accompagne : pour rais-je accorder à cet homme une faveur qui fît plaisir à votre maître ?

— Oui, Monseigneur, répondis-je.

— Quoi donc ?

— La noblesse. »

  1. Alors régent, plus tard Roi, sous le nom de George IV.