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Quand je retombe du haut de mes illusions, je me retrouve non pas marchant terre à terre, mais voguant sur le bateau à vapeur le Nicolas Ier, dont je vous ai conté le naufrage, un des plus beaux et des plus commodes bâtiments de l’Europe, et je m’y retrouve au milieu de la société la plus élégante que j’aie rencontrée depuis longtemps.

Celui qui pourrait noter dans le style de Boccace les conversations auxquelles j’ai pris une part bien modeste depuis trois jours, ferait un livre aussi brillant, aussi amusant que le Décaméron et presque aussi profond que la Bruyère. Mes récits ne vous en donneraient qu’une idée imparfaite ; je veux pourtant essayer.

Souffrant depuis longtemps, j’étais malade à Travemünde, si malade que, le jour du départ, j’ai pensé renoncer au voyage. Cependant ma voiture était embarquée depuis la veille. Onze heures du matin venaient de sonner, et nous devions appareiller à trois heures après midi. Je sentais le frisson de la fièvre parcourir mes veines, et je craignais d’augmenter le mal de cœur qui me tourmentait, par le mal de mer qui me menaçait. Que ferai-je à Pétersbourg, à huit cents lieues de chez moi, si j’y tombe sérieusement malade ? me disais-je. Pourquoi causer cette peine à mes amis, quand je puis la leur épargner ?

S’embarquer avec la fièvre pour un voyage de long