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mettre la chaloupe à la mer pour transporter à terre tous les voyageurs. Cette chaloupe était petite, il fallait qu’elle fît bien des voyages avant de pouvoir sauver tout le monde. On décida que les femmes et les enfants seraient débarqués les premiers.

Les plus impatients risquèrent leur vie en se précipitant vers le banc de sable ; le jeune Français dont je viens de vous parler sauta l’un des premiers sur ce bas-fond ; il n’y demeura pas inactif ; faisant l’office de matelot sans y être obligé, il passa plusieurs fois du vaisseau dans la chaloupe, et remonta au vaisseau pour aider des femmes et des enfants à s’embarquer, Malgré le danger toujours imminent, il ne sortit définitivement du paquebot embrasé qu’après tous les autres passagers. Pendant les nombreux trajets que son humanité lui fit volontairement accomplir, il sauva plusieurs femmes à la nage ; l’excès de la fatigue lui causa plus tard une maladie grave.

Il était attaché, m’a-t-on dit, à la légation de France en Danemark, et voyageait pour son plaisir. Je ne sais pas son nom, ignorance bien involontaire, car, depuis hier, j’ai demandé son nom à vingt personnes. Le trait d’humanité de ce jeune homme ne date que d’un an, et son nom est déjà oublié dans les lieux mêmes où il s’est tant distingué par son rare courage. Les détails que je viens de vous donner sont d’une grande exactitude.