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vécurent dans l’opposition la plus prononcée ; depuis la mort du duc d’Enghien, elle ne remit pas le pied à la Malmaison ; à partir de cette mémorable époque, elle n’a même pas revu madame Bonaparte.

En 1811, voulant nous soustraire aux persécutions de la police impériale, elle fit avec moi le voyage de Suisse et d’Italie ; elle allait partout, elle franchissait les glaciers, entre autres celui du Mont-Gries, entre la cascade de la Toccia et le village d’Obergestlen, dans le Haut-Valais ; elle traversait à pied ou à cheval les plus redoutables passages des Alpes, comme si elle eût eu de la force et du courage ; c’est qu’elle ne voulait ni m’empêcher d’aller ni me quitter.

Arrivée à Rome, elle y passa l’hiver et s’y forma une société charmante ; elle n’était plus jeune, cependant la pureté de ses traits avait frappé Canova. Elle aimait la naïveté d’esprit du grand artiste, dont les récits vénitiens la charmaient. Un jour je lui dis :

« Avec votre imagination romanesque, vous seriez capable d’épouser Canova !

— Ne m’en défie pas, me répondit-elle ; s’il n’était pas marquis d’Ischia, j’en serais tentée. » Ce mot la peint tout entière.

J’ai eu le bonheur de la conserver jusqu’au 13 juil let 1826. Elle est morte de la maladie dont mourut Bonaparte. Ce mal, dont elle avait le germe depuis