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manger dans le salon ; éclairée par un de ces pressentiments qui ne lui ont jamais manqué dans les moments de péril, elle se dit : « Je suis dénoncée, on vient m’arrêter, et, sans plus délibérer, sentant qu’il est trop tard pour brûler les masses de papiers dangereux dont elle est environnée, elle les ramasse sur la table, sur le canapé, dans le carton, et, les prenant à brassées, elle les jette rapidement, ainsi que la cassette, sous le canapé, dont les pieds, heureusement assez hauts, étaient couverts d’une housse qui traînait jusqu’à terre.

Ce travail terminé avec la rapidité de la peur, elle se lève et reçoit de l’air le plus calme les personnes qu’elle voit entrer dans son cabinet.

C’étaient en effet des membres du comité de sûreté générale et des hommes de la section qui venaient l’arrêter.

Ces figures, aussi ridicules qu’atroces, l’environnent en un moment : les sabres, les fusils brillent autour d’elle ; elle ne songe qu’à ses papiers, qu’elle achève de repousser du pied sous le canapé, devant lequel elle reste toujours debout.

« Tu es arrêtée, » lui dit le président de la sec tion.

Elle garde le silence.

« Tu es arrêtée, parce qu’on t’a dénoncée comme émigrée d’intention.