Page:Curzon - L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes, Sénart.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
TANNAEUSER.

à coup sûr, après le créateur du rôle, a été Albert Saléza, dont le tempérament ardent, la voix chaleureuse, se sont toujours alliés à un souci scrupuleux de la pensée du musicien. Ce respect était vraiment attachant chez ce bel artiste, qui eût été un Siegfried incomparable si la maladie n’avait, avant l’âge, terrassé son effort enthousiaste. Après lui, les voix généreuses d’Alvarez et de Franz sonnent encore à nos oreilles, comme celle d’Albers, de Dufranne ou de Roselly… dans le personnage de Wolfram. Mais qui nous a rendu l’écho de son âme tendre et généreuse, qui s’est assez détaché du rôle pour être le héros même ?

L’orchestre, pendant la première série des représentations, a eu Taffanel pour chef. C’était la première des œuvres wagnériennes qu’il lui était donné d’étudier et de rendre ; il s’était livré à ce travail avec l’ardeur et la joie d’un néophyte, — et le seul défaut qu’on put lui reprocher, était en effet de n’être encore qu’un néophyte ; — mais aussi avec le soin et le goût délicats qui restent inséparables du souvenir de ce flûtiste admirable, de ce fin musicien.

Si les impressions de la première soirée de 1895 pouvaient faire penser à certains auditeurs que Tannhaeuser serait loin d’obtenir la fortune de Lohengrin et de la Valkyrie, la suite des représentations ne tarda pas à les démentir. Tannhaeuser, en dix-neuf ans, a eu 243 exécutions à l’Opéra, soit une moyenne de 13, presque égale à celle de Lohengrin et sensiblement supérieure à toutes les autres. Sa carrière a eu un premier élan moins vif (52 représentations pendant les deux premières années) mais un fond plus sûr.