Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait pu se reposer tranquille, étendu sur la neige, tout en le surveillant.

L’intérieur de la tente était silencieux.

Plus près que la veille, le cri de Louve Grise retentit, Kazan, plus encore que les autres soirs, aurait souhaité qu’elle fût près de lui. Mais il s’abstint de lui répondre. Il n’osait pas rompre le silence qu’il y avait dans la tente. Brisé et endolori de la rude étape de la journée, avec ses blessures rouvertes, il resta couché dans la neige un assez long temps, mais sans avoir envie de dormir.

Vers le milieu de la nuit, la flamme du feu tomba. Au faîte des arbres, le vent s’était apaisé. Les nuages opaques qui voilaient le ciel s’enroulèrent en épaisses volutes, comme un rideau qu’on tire, et les étoiles commencèrent à scintiller, d’une lueur pâle et métallique. Tout là-bas, vers le septentrion, un bruit résonna, incisif et monotone, pareil au crissement des patins d’acier d’un traîneau filant sur la neige gelée. C’était la mystérieuse et harmonieuse mélodie céleste de l’aurore boréale. En même temps, le froid devenait plus vif et le thermomètre ne cessait pas de rapidement descendre.

Louve Grise, sans se fier uniquement à son flair, avait, cette nuit-là, glissant comme une ombre, audacieusement suivi la piste marquée par le traîneau.

Et voilà que Kazan entendit sa voix. Ce n’était plus l’appel au mâle. Elle s’était arrêtée, rigide et fébrile, tremblant de tous ses membres, et envoyait à travers l’air le Message funèbre.

Kazan le reçut et, lui aussi, il se prit à hurler comme font les chiens sauvages du Nord, devant la tente indienne où leur maître vient de rendre le dernier soupir,

Pierre Radisson était mort.