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ser, Le cri, bientôt, se rapprocha, près, tout près, et d’autres s’y joignirent, espèce de glapissements aigus et rapides, auxquels d’autres encore répondirent au loin. Les loups se réunissaient pour la chasse de la nuit.

Kazan, assis sur son derrière et tremblant, ne bougeait toujours point. Ce n’était pas qu’il eût peur. Mais la crête de la montagne où il se trouvait lui semblait trancher en deux l’univers.

Là en bas, au-dessous de lui, était un monde nouveau, libre des hommes et de l’esclavage. En arrière, quelque chose planait dans l’air, qui l’attirait à travers l’espace, inondé de la clarté lunaire, qu’il fixait des yeux. Une femme qui pour lui avait été bonne et douce, et dont il croyait encore entendre la voix, sentir la main, caressante, l’appelait à travers les forêts. Il croyait ouïr son rire clair, qui le faisait si heureux, apercevoir son jeune visage.

Auquel des deux appels devait-il répondre ? À celui qui l’appelait en bas, dans la plaine ? À l’autre, qui le ramenait vers les hommes méchants, vers leurs gourdins et vers les lanières cinglantes de leurs fouets ? Longtemps il demeura hésitant, sans bouger, tournant sa tête, tantôt d’un côté et tantôt de l’autre. Puis il descendit vers la plaine.

Toute la nuit durant, il demeura à proximité de la troupe de loups, mais sans se hasarder à s’en trop approcher. Et il fit bien. Il avait conservé, imprégnées dans son poil, l’odeur spéciale des harnais portés par lui et celle des hommes avec qui il avait vécu. Les loups l’eussent aussitôt mis en pièces. L’instinct de conservation des créatures du Wild, qui était venu à lui, comme un faible murmure, à travers des générations successives d’ancêtres loups, lui avait appris qu’il devait agir ainsi, comme il lui enseigna, afin de s’imprégner d’une autre odeur, à se rouler dans la