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ment nerveuse et, vers midi, Kazan, à son tour, flaira dans l’air l’avertissement qu’elle avait perçu bien des heures avant lui. L’odeur, de minute en minute, augmentait d’intensité et, un peu plus tard dans la journée, le soleil se voila d’une couche de fumée.

Le feu, qui courait dans les bois et les forêts de sapins et de baumiers, avait commencé par faire rage dans la direction du nord. Puis le vent sauta du sud à l’ouest, rabattant en direction contraire les colonnes de fumée. Il devenait de plus en plus probable que l’incendie ne s’arrêterait qu’au bord du fleuve, vers lequel le brasier mouvant pourchassait devant lui mille bêtes affolées.

Pendant la nuit qui suivit, le ciel continua à s’embraser d’une immense lueur fuligineuse et, lorsque le jour parut, la chaleur et la fumée devinrent intenables et suffocantes.

Saisi de panique, Kazan s’évertuait à trouver un moyen d’échapper. Il lui eût été facile, quant à lui, de traverser le fleuve à la nage. Mais Louve Grise, qu’il n’avait point quittée une seconde, s’y refusait. Dès le premier contact de ses griffes avec l’eau, au bord de laquelle il l’avait amenée, elle s’était reculée, en contractant tous ses muscles. À douze reprises différentes, il s’élança dans le courant et nagea en l’appelant. Tout ce à quoi Louve Grise consentit, ce fut à s’avancer dans l’eau tant qu’elle avait pied. Puis, avec obstination, elle revenait toujours en arrière.

Maintenant on pouvait entendre le sourd mugissement du feu. Ėlans, rennes, daims, caribous se jetaient à l’eau et, fendant le courant, gagnaient sans peine la rive opposée. Un gros ours noir, accompagné de ses deux oursons, qui se traînaient lourdement, fit de même, et les petits le suivirent. Kazan le regarda,