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fois que le corps radioactif est ramené au même état chimique et physique, et cette activité ne varie pas avec le temps[1].

Certaines expériences, mal interprétées, conduiraient à admettre une destruction partielle de la puissance du radium. Lorsqu’on dissout un sel radifère et qu’on le ramène ensuite à l’état sec, on constate une baisse considérable de l’activité radiante ; mais, peu à peu, l’activité reprend sa valeur primitive, au bout d’un temps plus ou moins long, suivant les conditions de l’expérience (20 jours, par exemple).

De même, quand on chauffe longtemps au rouge un sel radifère et qu’on le ramène à la température ambiante, on constate que l’activité radiante est moindre qu’avant la chauffe ; mais, peu à peu, le sel reprend spontanément son activité primitive (en 10 jours, par exemple).

Dans les deux cas, la baisse temporaire du rayonnement porte principalement sur les rayons pénétrants.

Un sel de radium qui a été chauffé au rouge a perdu en grande partie la propriété de produire la radioactivité induite ; mais, pour lui rendre cette propriété, il suffit de le faire passer par l’état dissous.

Un grand nombre d’études restent encore à faire à ce sujet. Nous n’avons aucune notion sur la grandeur de l’énergie mise en jeu dans les phénomènes de radioactivité, et nous ne savons ni suivant quelles lois elle se dissipe, ni si elle varie avec l’état physique et chimique des corps radiants.

Si l’on cherche à préciser l’origine de l’énergie de radioactivité, on peut faire diverses suppositions qui viennent se grouper autour de deux hypothèses très générales : 1° chaque atome radioactif possède, à l’état d’énergie potentielle, l’énergie qu’il dégage ; 2° l’atome radioactif est un mécanisme qui puise à chaque instant en dehors de lui-même l’énergie qu’il dégage.

Dans la première hypothèse, l’énergie potentielle des corps radioactifs doit s’épuiser à la longue, bien que l’expérience de plusieurs années ne nous indique jusqu’à présent aucune variation. Si, par exemple, on admet, avec Crookes et J.-J. Thomson,

  1. Le polonium, au contraire, fait exception ; son activité diminue lentement avec le temps. Ce corps est une espèce de bismuth actif ; il n’a pas encore été prouvé qu’il contienne un élément nouveau. Le polonium se distingue à plusieurs points de vue des autres corps radioactifs : il n’émet pas de rayons déviables par le champ magnétique et il ne provoque pas de radioactivité induite.