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les produits gazeux de la sublimation, nous avons obtenu un gaz, lequel, enfermé dans un tube de verre, agissait encore à l’extérieur comme un corps notablement radioactif. Pendant un mois, le rayonnement issu de ce gaz nous donna des impressions photographiques et provoqua la décharge des corps électrisés ; puis l’activité diminua peu à peu, jusqu’à disparaître complètement. Au spectroscope, le gaz actif montrait les raies de l’oxyde de carbone. La pechblende contient d’ailleurs de l’argon et de l’hélium. Nous nous sommes assurés que l’oxyde de carbone n’est pas radioactif. L’argon et l’hélium extraits de la fergusonite ne le sont pas non plus. Les conditions de production de ce gaz actif et la disparition de son activité restent à éclaircir.

Polonium, radium, actinium. — L’analyse de la pechblende par voie humide, avec le concours de la méthode exposée plus haut, a conduit à établir l’existence, dans ce minéral, de trois substances fortement radioactives, chimiquement différentes : le polonium, trouvé par nous[1] ; le radium, que nous avons découvert avec M. Bémont[2], et l’actinium, qui a été découvert par M. Debierne[3].

Le polonium est une substance qui accompagne le bismuth que l’on retire de la pechblende et qui en est très voisine par ses propriétés analytiques. On obtient du bismuth de plus en plus riche en polonium par l’un des procédés de fractionnement suivants :

1° Sublimation des sulfures dans le vide ; le sulfure actif est beaucoup plus volatil que le sulfure de bismuth ordinaire ;

2° Précipitation des solutions azotiques par l’eau ; le sous-nitrate précipité est bien plus actif que le sel resté dissous ;

3° Précipitation par l’hydrogène sulfuré d’une solution chlorhydrique extrêmement acide ; les sulfures précipités sont considérablement plus actifs que le sel qui reste dissous.

Le radium est une substance qui accompagne le baryum retiré de la pechblende ; il suit le baryum dans ses réactions et s’en sépare

  1. Comptes rendus, t. CXXVII, juillet 1898, p. 175.
  2. Id., décembre 1898, p. 1215.
  3. Id., t. CXXIX, octobre 1899, p. 593, et t. CXXX, avril 1900, p. 906.